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LES DARDANELLES : UN ALLER SANS RETOUR

 

Julien est affecté au 1er Régiment de Zouaves basé à Orléansville, en Algérie, en janvier 1914.

Mes grands-parents et mon père habiteront alors à Alger, au 14 rue Dupetit-Thouars.

Il obtient ses galons d’adjudant en janvier 1915, mais le destin lui joue alors un mauvais tour lorsque fut décidée la folle expédition des Dardanelles.

Il est donc rappelé à Bizerte (Tunisie) début mai 1915, et séparé ainsi de sa famille restée à Alger.

 

Ce sont ses derniers jours que j’ai voulu raconter à travers les correspondances qu’il a laissées. Des correspondances qui ont une charge émotionnelle forte, puisqu’elles témoignent de la souffrance laissée par la séparation d’avec ses proches, et d’autre part, certaines n’arrivèrent à destination qu’après sa mort.

Les premières datent en effet de son arrivée à Bizerte, puis de son embarquement à bord de « La Provence », les dernières sont écrites de l’endroit où il trouva la mort le 22 mai 1915, à l’âge de 29 ans.

 

J’ai voulu, de cette manière, perpétuer son souvenir, et offrir un témoignage de ce que vécurent beaucoup de nos soldats embarqués dans cette expédition désastreuse.

 

>> Toutes les images illustrant les courriers ci-après sont disponibles dans leur intégralité dans l'onglet Documents >> Lettres mai 1915

 

 

Lettre à Elisabeth, 14 rue Dupetit-Thouars, Alger

6 mai 1915

Bizerte, 6 mai 1915

Ma chérie,

Je t’écris de Bizerte où nous avons débarqué cette nuit à minuit, nous sommes campés à côté du quai, nous devons nous réembarquer à bref délai sur un beau transport.

J’ai fait bon voyage, et quoique j’aie été un peu fatigué, tout va bien.

Il fait beau aujourd’hui à Bizerte, si je peux je sortirai un peu ce soir voir s’il y a du changement.

Je t’enverrai un télégramme au moment où nous reprendrons le bateau pour aller voir ces Turcs.

J’espère que tu vas bien et  que  tu  as  reçu  mes télégrammes à temps.  Ce que j’ai pensé à toi ma  chérie  depuis  mon départ d’Alger, ma chérie toujours ma pensée avec toi et Elie.

Quand est ce que nous nous reverrons, quel beau jour ce sera. Elie ne me reconnaîtra plus sans doute.

Ecris moi aussitôt reçu ma lettre, écris à même adresse, sauf que tu mettras Bizerte au lieu de Bône – faire suivre.

Comme ça si ta lettre ne m’arrive pas avant l’embarquement elle me suivra immédiatement.

Ne fais pas attention à l’écriture, j’ai comme table un maillet à enfoncer les piquets de ma tente. Si je peux sortir je t’écrirai à l’encre.

Donne le bonjour à Mme Durand et aux voisins. Sur ta lettre donne moi le n° de la Cie du fils Abadie, je tacherai de le voir.

Plus grand-chose à te dire et ma bien aimée reçois les meilleurs baisers de ton mari, ainsi que de gros baisers à Elie.

J.Thuriault

Petit mot non daté (sans doute 7 ou 8 mai) à Elisabeth

7-8 mai 1915

Voici ma nouvelle adresse : Corps expéditionnaire d’Orient 2ème Division – 3ème Brigade Thuriault Adjudant

2ème Regt de Marche de Zouaves 1er Bataillon – 2ème Compagnie Par Marseille

 

J’ai été voir Mr Robert ; Rosette est mariée il y a 15 mois. Constance est institutrice à Mateur. Rosette a un petit garçon. J’ai couché dans notre logement et dans notre même lit et je t’assure que je me suis bien reposé et ça m’a rappelé de bons souvenirs.

Bonjour ma chérie, meilleurs baisers de ton petit mari.

Julien

Petit mot non daté (sans doute 7 ou 8 mai) à un de ses frères et soeurs à Aunay-en-Bazois

7-8 mai 1915

Nouvelle adresse :

Corps expéditionnaire d’Orient 2ème Division – 3ème Brigade Thuriault Adjudant

2ème Regt de Marche de Zouaves 1er Bataillon – 2ème Compagnie Par Marseille

 

Bonjour  aux  voisins,  meilleur  souvenir  et  baisers  aux parents. Embrasse bien maman Rousselet pour moi.

J’ai laissé Elisabeth et notre fils à Alger et sauf l’ennui que ma chère Elisabeth se fait, elle ne sera pas malheureuse.

J’espère  que  la guerre ne durera plus bien longtemps et qu’un jour plus près qu’on ne pense nous trouvera réunis quelque part tous et nous tacherons d’oublier nos chagrins présents.

Meilleurs baisers à tous, garde toujours quelques lapins et de la Ste Anne.

 

 

 

Photo-carte à Elisabeth, représentant la Caserne d’Artillerie de Bizerte

9 mai 1915

Recto :

Corps d’Expédition d’Orient, 2ème Regt de Marche, Thuriault Adjudant

Verso :

Bons baisers de ton mari. Julien

Carte-lettre à Elisabeth

9 mai 1915

Ma chérie,

Quand tu recevras ma lettre nous voguerons déjà et nous serons déjà loin. Nous nous embarquons aujourd’hui sur La Provence. Je t’envoie un colis postal à domicile. Ma vareuse bleue, mon pantalon velours et deux pantalons de drap et une chemise, souliers bas. Ces effets ne me sont pas utiles, car nous avons touché des tenues kaki et des capotes bleues. Il n’y a plus rien du zouave.

Je pense que tu recevras bientôt le colis, nous embarquons sur un très beau bateau où le Tringad n’est qu’une barque à côté.

Au revoir ma chérie et sois tranquille tu auras des nouvelles le plus souvent que je pourrai, et aussitôt débarqué tu recevras des nouvelles par l’intermédiaire de mon fourrier qui a des accointances à Alger.

Au revoir chérie, meilleurs baisers, grosse caresse à Elie et à toi mes plus tendres caresses.

Julien

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